Décortiquant "White Noise" : Baumbach et DeLillo sous l'objectif
La récente adaptation du roman emblématique de Don DeLillo, "White Noise", par Noah Baumbach a suscité une vague d'anticipation dans le monde du cinéma. Cependant, malgré une intrigue qui semble prometteuse et un casting talentueux, le film déçoit les attentes. Cette critique explore en détail les raisons derrière cette déception, tout en mettant en évidence les difficultés de transposer le style unique de DeLillo à l'écran.
Le défi de transposer DeLillo
Don DeLillo est souvent décrit comme un prophète littéraire, capturant les inquiétudes existentielles et sociétales de son époque. Cependant, cette qualité unique de sa prose rend difficile l'adaptation de son travail au cinéma. Le réalisme sublimement paranoïaque de DeLillo est un défi pour les cinéastes, et peu ont réussi à le faire avec succès. David Cronenberg a réussi avec "Cosmopolis", embrassant l'artificialité staccato du matériau source. En revanche, Baumbach, célèbre pour son réalisme gentrifié, peine à saisir la dimension immersive et surréaliste de l'œuvre de DeLillo.
Les acteurs et le défi de l'incarnation
Adam Driver, acteur talentueux de sa génération, incarne le protagoniste, Jack Gladney, un expert en "études hitlériennes". Bien que Driver puisse exprimer des émotions complexes, il a du mal à transmettre la profondeur intellectuelle du personnage. De même, Greta Gerwig, dans le rôle de Babette, la femme de Jack, ne parvient pas à incarner pleinement la complexité du personnage. Le script réduit son rôle, laissant un potentiel inexploré.
Le supermarché comme symbole
Le supermarché occupe une place centrale dans "White Noise", symbolisant la quête de sens dans une société de consommation. Baumbach tente de donner vie à ces excursions au supermarché avec des compositions colorées, évoquant le pop art de Jean-Luc Godard. Cependant, ces scènes apparaissent davantage comme une nostalgie des années 80 qu'une réflexion sur le monde actuel.
L'excès et le manque
"White Noise" de Baumbach est à la fois excessif et insuffisant. Le réalisateur essaie d'embrasser la terreur existentielle de ses personnages tout en maintenant une distance ironique, ce qui crée un déséquilibre. Les moments visuels spectaculaires du film semblent déplacés par rapport à l'ambiguïté rigoureuse du texte de DeLillo.
Une conclusion en décalage
Le film se termine par une scène de flash mob dans un supermarché sur la chanson "New Body Rhumba" de LCD Soundsystem. Bien que divertissante, cette fin semble déconnectée du ton du reste du film, laissant le public sur sa faim.
En fin de compte, malgré les efforts de Baumbach et de son talentueux casting, "White Noise" laisse une impression de promesse non tenue. Le défi de transposer le style unique de DeLillo au cinéma reste un obstacle difficile à surmonter. Il est difficile de maintenir la subtilité et l'ambiguïté du roman tout en le rendant accessible au grand public.
Néanmoins, il est important de saluer l'ambition du réalisateur, car tenter de donner vie à "White Noise" est une entreprise audacieuse. Même si le résultat n'est pas à la hauteur des attentes, il mérite une certaine reconnaissance pour avoir osé s'attaquer à un tel monument de la littérature contemporaine.